Résidence de deux mois au Laos accordée par le Ceaac (centre européen d’actions contemporaines artistiques) en 2010.
Durant la résidence, l’artiste mènera des ateliers de gravure aux étudiants des écoles de beaux-arts de Vientiane et de Savannakhet.
Le croquis
En dehors du temps passé à l’atelier de gravure avec les étudiants, je parcourais la ville à vélo ou les environs en bus avec comme compagnon de voyage mes carnets de croquis et d’aquarelle. La pratique du dessin impose un temps d’observation qui me permet de m’inscrire dans le paysage, devenant une présence à laquelle on s’habitue et moins une falang de passage. Je me sens moins étrangèère ou du moins je l’oublie le temps du dessin. Une certaine connivence s’installe avec les femmes et les enfants. Il m’est arrivé de prêter spontanément mes crayons et aquarelles à des jeunes collégiens ou des enfants qui voulaient se risquer à dessiner.
Lors d’une sortie en pirogue, des enfants surgissent du Mékong et des broussailles pour me regarder dessiner, m’entourant en riant, se reconnaissant sur les croquis. Dans l’excitation, ils me parlaient, m’apostrophaient, oubliant nos différences. Le dessin m’est apparu comme un lien magique entre nous.
La gravure
Sur place, j’ai exécuté des croquis et des aquarelles. Le soir, je reprenais mes croquis en les gravant sur des petites plaques de plastique, y ajoutant des petites apparitions. De retour à Strasbourg, j’en ai eu la révélation en les imprimant à l’atelier, d’où la série de pointes sèches L’envers du voyage. Dans l’atelier de gravure à Vientiane, la réalisation d’une édition avec les étudiants m’a permis d’établir avec eux une grande complicité. J’imprimais avec eux, je les dessinais, je les observais. De retour à Strasbourg ces visages, je voulais les fixer ou plutôt les retrouver à travers les aquatintes et les morsures, dans la noirceur des fonds des plaques de zinc. Sur le grain d’aquatinte, je cherche à la craie grasse les traits du visage pareillement à une caresse sur le grain de la peau. A la morsure des plaques, les visages vont m’apparaître. La série des 11 Portraits des étudiants de Vientiane a été imprimée par l’atelier du taille-doucier, Rémy Bucciali à Colmar, à 15 exemplaires, en novembre 2012. En septembre 2012, l’Artothèque de Strasbourg a acquis l’estampe Thongsamout-Vientiane.
La couleur
Du haut de l’hôtel à Vientiane, les vues de l’activité urbaine de la rue Lane Xang ou des arrière-cours à la végétation luxuriante ont été peintes sur le motif rapidement. Par contre certaines aquarelles de la série Sur le vif ont été esquissées le soir même, d’après les photos prises dans la journée de mes rencontres, avec comme règle de jeu: pas de reprise, le désir de faire revivre l’instant dans sa spontanéité. Les petites scènes du Laos peintes de retour flirtent avec les images kitsch. Les couleurs y sont stridentes, dissonantes entre elles (des roses fushias, des violets, des bleus intenses). La gaieté y côtoie une sourde menace.